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les contes du réel
9 janvier 2019

Les légendes des chevaliers de la quadrature du cercle

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 Livre I – Le combat contre la sorcière bleue 

 Chapitre 2 - Le face à face

Publié le 1/5/2017

suite du Chapitre I

 

Par une de ces perfides ruses dont sont coutumiers les mages noirs, la sorcière bleue se présenta devant l’assemblée en déclarant renoncer à sa magie pour conquérir le trône. Seuls ses partisans et les esprits naïfs saluèrent cette déclaration, les sages et les justes savaient qu’elle n’attendait que le moment opportun pour lancer ses maléfices et cracher son venin. Cependant, la nation franque, jadis si prompte à se mobiliser contre la menace des mages noirs, semblait indifférente, comme anesthésiée par les charmes de la sorcière bleue. Le prince Emmanuel lui-même paraissait hésitant, comme s’il ne savait pas s’il devait attaquer par sa droite ou par sa gauche. La sorcière bleue résolut de profiter de cette incertitude pour tendre au jeune prince de sournoises embuscades dont il triompha, mais non sans peine. Ainsi, le jeune prince était averti, dans ce combat sans merci, la sorcière était prête à toutes les vilenies, à tous les subterfuges, à tous les coups.

  Néanmoins, le prince Emmanuel n’était pas seul. Il avait reçu le renfort de tous les princes du Royaume, depuis Nicolas le Court toujours aussi empressé, jusqu’au souverain François le Batave, bien mélancolique dans son château, en passant par François de la Sarthe et Alain de Bordeaux. Le chevalier du Finistère, fidèle à son ancien serment de toujours combattre le Mal, avait immédiatement rejoint le jeune prince. Seul le Tribun des Bois refusait de se rallier, prétextant que le prince Emmanuel n’apporterait que disettes et malheurs au bas peuple. Alors qu’on croyait la sorcière bleue isolée parmi les prétendants au trône, par un revirement soudain, le sieur Nicolas le Franc Couché, dit Nicolas Souverain ou parfois Nicolas le Fourbe, conclut une alliance en bonne et due forme avec la sorcière bleue.

  Nicolas le Fourbe se prétendait chevalier alors qu’il était de basse extraction et n’avait jamais remporté aucune bataille. Il invoquait sans cesse les mânes du glorieux souverain, le grand Charles, fondateur de la lignée des Trois-Gôles qui avait donné tant de souverains et dont se réclamaient d’ailleurs presque tous les princes du Royaume. Lors des Âges Sombres qui s’abattirent sur la Terre des Hommes Libres, ce souverain légendaire s’illustra par sa farouche résistance face aux terribles hordes du plus grand mage noir que la terre ait jamais porté. Aussi, le ralliement de Nicolas le Fourbe surprit et déçut nombre de ses partisans qui le croyait un homme d’honneur, fidèle à ses engagements. On disait que la sorcière l’avait acheté en lui promettant un plat de ces divines lentilles, servies uniquement à la table des souverains Francs. La saveur de ce mets était supérieure au nectar et à l’ambroisie, dont se nourrissaient les anciens dieux, et de nombreux hommes s’étaient déjà damnés pour pouvoir y gouter.

  La sorcière bleue reçut également le soutien de Dame Christine la Dévote, réputée pour ses emballements mystiques et ses déclarations à l’emporte-pièce, qui affirmait, dans un prêchi-prêcha dont elle était coutumière, combattre la magie noire tout en se ralliant à la sorcière bleue.

  Pendant ce temps le Conseil des Sages s’était réuni et cherchait une issue pour résoudre le conflit sans que trop de vies innocentes soient sacrifiées inutilement. Après avoir débattu des jours entiers, ces hommes de bonne volonté rendirent leur verdict. Ils proposèrent que soit réactivée une vieille coutume franque qui voulait que les deux finalistes au trône se prêtent à une joute oratoire appelée le Grand Débat. Lors de cette joute, nulle épée, nulle magie ne pouvaient être utilisées, seules les armes de la rhétorique étaient admises. Le prince Emmanuel et la sorcière bleue se soumirent à la décision des Sages et alors tout le peuple se mit en branle pour assister à cette confrontation pacifique. Un espoir se levait, la magie et la fureur guerrière s’effaceraient derrière la sagesse et la raison.

  Devant tout le peuple rassemblé, le prince Emmanuel et la sorcière bleue se présentèrent au jour et à l’heure dite sur le plateau aride où se tenaient traditionnellement ces confrontations rituelles. Les deux prétendants prêtèrent solennellement serment d’observer scrupuleusement les règles de la dispute : les épées devaient rester dans leur fourreau et la magie hors du champ du débat. Deux arbitres, inexpérimentés mais reconnus pour leur impartialité, étaient chargés de veiller au respect du protocole strictement codifié.

 Le sort avait désigné la sorcière bleue pour entamer la joute. D’emblée, alors qu’elle avait juré de se comporter en adversaire loyale et respectueuse, elle cracha son venin sur le prince Emmanuel qui restait impavide. Les attaques de la sorcière bleue redoublèrent d’intensité, elle ciblait directement le prince Emmanuel cherchant à l’atteindre dans son honneur et dans sa vertu.  Celui-ci restait de marbre devant ces assauts de vilenies et cette attitude digne eut pour effet de transformer la sorcière bleue en furie. Soudain, elle rompit son serment sacré et lança un maléfice des plus noirs sur le prince Emmanuel. Devant une telle ignominie, un rugissement de colère monta des poitrines du public massé, colère qui céda bientôt la place au soulagement quand tous virent que le maléfice n’avait pas atteint le prince Emmanuel. Celui-ci, qui avait anticipé la menace, était protégé par un charme invisible mais puissant, talisman à base de poudre de perlimpinpin, qui scintillait faiblement chaque fois que la sorcière bleue jetait un maléfice. Car celle-ci, exaspérée par la sérénité du prince bienveillant, perdant tout contrôle d’elle-même, jetait ses sorts sans aucune retenue. Les arbitres tentaient vainement de contenir la furie rageuse de la sorcière mais très vite ils durent renoncer à lui faire entendre raison. Tous les hommes sensés purent alors constater l’imposture et la duplicité de la sorcière bleue qui s’opposaient à la droiture et à la mesure dont faisaient preuve le jeune prince. Bientôt, épuisée par ses vains assauts, la sorcière n’arrivait plus à trouver ses mots, confondait ses formules magiques et ne semblait plus en mesure de porter la contradiction au prince. Celui-ci, toujours noble et en même temps implacable, mobilisait tous ses talents de sophiste et de philosophe pour séduire l’auditoire qui l’écoutait charmé. Et ce fut sous les huées de la foule que la sorcière bleue fut déclarée loyalement vaincue. Mais souvent les mages noirs ne peuvent accepter leur défaite, plus sombre est leur magie, plus grande est leur indignité et la sorcière bleue était une enchanteresse des plus ténébreuses. Aussi, nul ne fut surpris lorsqu’elle lança, avec un ricanement à glacer le sang, qu’elle rejetait l’arbitrage auquel elle s’était pourtant soumise. Ce furent sur ces mots lourds de menace qu’elle s’enfuit, désertant l’arène du débat. La bataille tant redoutée aurait bien lieu et si tous n’y participaient pas, chacun en serait affecté.

À suivre…

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